Présentation des Observatoires photographiques du paysage
Régulièrement suivis d’un point de vue scientifique (évolution de la faune, de la flore et des milieux naturels), de plus en plus, les sites du Conservatoire le sont également du point de vue sensible, esthétique ou paysager.
Soucieux de mesurer l’impact des opérations de gestion sur la qualité paysagère des sites, et parce que l’état antérieur d’une parcelle s’oublie vite, le Conservatoire a souhaité mettre en place des observatoires photographiques sur ses sites d’intérêts majeurs.
Concrètement, il s’agit de fixer un certain nombre de points de vue (appelés « observatoires ») sur un site, puis de reprendre ces clichés à l’identique, à intervalle de temps régulier. La comparaison des photographies prises successivement permet d’appréhender les évolutions paysagères et de les évaluer.
Face à l’intérêt croissant autour de ce suivi photographique, l’antenne Paysage du Conservatoire a publié un livret présentant les observatoires photographiques en Poitou-Charentes.
Outil développé au niveau national et décliné au niveau local
D’après « Itinéraires photographiques – Méthode de l’Observatoire photographique du paysage », Publication du Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, octobre 2008.
Politique du paysage en France et en Europe
En France, la politique du paysage est placée sous la responsabilité du ministre chargé de l’environnement. Elle est structurée par la loi dite « paysages » du 8 janvier 1993 et la Convention européenne du paysage entrée en vigueur en France le 1er juillet 2006.
Cette politique considère l’ensemble des paysages français (urbains ou ruraux, remarquables ou quotidiens, préservés ou dégradés) tant pour leurs qualités intrinsèques que pour leur extraordinaire diversité.
Par ailleurs, la Convention européenne du paysage, dans son article 6-C, invite les parties :
- à identifier leurs propres paysages, sur l’ensemble de leur territoire,
- à analyser leurs caractéristiques ainsi que les dynamiques et les pressions qui les modifient,
- à en suivre les transformations,
- à qualifier les paysages identifiés en tenant compte des valeurs particulières qui leur sont attribuées par les acteurs et les populations concernés.
Mise en place d’un outil de suivi des paysages sur le territoire national
En octobre 1991, à la suite d’une communication en Conseil des ministres du 22 novembre 1989, et sous l’impulsion de François Letourneux, directeur de la nature et des paysages, et de Caroline Mollie Stéfulesco, architecte-paysagiste, le ministère de l’environnement engage la création d’un observatoire photographique du paysage. Cet observatoire a pour objectif de « constituer un fond de séries photographiques qui permette d’analyser les mécanismes de transformation des espaces ainsi que les rôles des différents acteurs qui en sont la cause, de façon à orienter favorablement l’évolution du paysage ».
« La mise en place d’un système de veille photographique permet de faire ressortir sans délais les altérations du paysage, mais aussi certains progrès ou améliorations. Elle participe au suivi des territoires dont nous avons la charge… » D’après “Séquences Paysages, revue de l’observatoire photographique du paysage (N°1)”- 1997
Principe d’un Observatoire photographique du paysage
Un Observatoire photographique du paysage consiste à effectuer des prises de vues sur un territoire donné, qui seront re-photographiées dans le temps. La démarche est originale parce que les photographies ne sont pas uniques mais re-photographiées au-delà des couples traditionnels « avant-après ».
Pour cela, les services de l’État associés aux collectivités territoriales et aux autorités compétentes créent, sur un territoire donné et avec l’aide d’un professionnel de la photographie, un itinéraire photographique : un comité de pilotage aide à identifier sur le territoire concerné les questions qui se posent et les lieux qui posent question. Le photographe, choisi pour la mission, propose des points de vue qui saisissent le territoire dans son ensemble et rendent compte des problématiques citées par le Comité de pilotage (implantation des observatoires photographiques). Les points de vue sélectionnés jalonnent un parcours virtuel, l’itinéraire photographique.
Afin de constituer des séries photographiques, les vues de l’itinéraire sont re-photographiées dans le temps (on parle alors de reconductions photographiques). C’est la gestion du projet qui, si elle est systématique et rigoureuse, donnera la matière nécessaire pour une mise en valeur et une exploitation de l’itinéraire.
Observatoires photographiques nationaux du paysage (OPNP)
Une méthodologie a été développée par le ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire. Elle encadre de manière rigoureuse la mise en place d’itinéraires photographiques et leur gestion, et pose certaines obligations et contraintes pour rentrer dans le dispositif national. En 2008, 866 « points de vue » jalonnaient 19 itinéraires photographiques, créés et gérés en partenariat avec des collectivités locales. Ces itinéraires sont valorisés grâce au Système d’Information sur la Nature et les Paysages (SINP) du Ministère.
Initiatives locales en région
En marge des 19 itinéraires nationaux, de nombreuses collectivités locales ou associations diverses, ont développé l’outil sur leur territoire. Non recensés par le SINP, ces observatoires s’appuient généralement sur le protocole national mais la méthode est bien souvent simplifiée et adaptée en fonction des besoins et moyens de chacun.
Qu’ils soient réalisés par des photographes amateurs pour le loisir, en régie par une collectivité, par les habitants à l’occasion d’un concours, ou encore par des scolaires dans le cadre de leur cursus, ces observatoires permettent de suivre une grande diversité de paysages avec des objectifs de suivi très différents : suivi esthétique, suivi d’aménagement urbain, suivi de gestion naturaliste, suivi des saisons, suivi d’installation d’une grande infrastructure…
Quelle que soit l’origine du projet, la mise en place d’observatoires photographiques sur un territoire donné est l’occasion d’ouvrir un débat sur les paysages et d’engager une réflexion sur l’accompagnement de leur évolution.
En Poitou-Charentes, plusieurs itinéraires photographiques ont été recensés (liste non exhaustive) :
- L’itinéraire photographique de la ville de Rochefort : en 1999, la ville de Rochefort décide de s’inscrire dans une démarche de constitution d’archives et de témoignages photographiques sur son paysage urbain. 44 points de vue sont sélectionnés et font l’objet de prises de vues régulières. L’opération s’est mise en place annuellement entre 1999 et 2004, et depuis 2004, les prises de vues se font tous les 5 ans. Trois photographes se sont succédés au cours de ces 10 années : Anne Chastrusse, André Barathieu et Antoine Barret.
- Les observatoires photographiques du Pays Mellois : en 2002, à l’occasion de la réalisation de son Plan Paysage, le Pays Mellois lance un concours photographique ouvert aux habitants et écoles communales visant la reconduction de vues anciennes du territoire (photographies, cartes postales, etc.). Reconduites régulièrement par les écoles primaires du Pays, les clichés sont conservés aux archives départementales des Deux-Sèvres.
- Les itinéraires photographiques des sites naturels gérés par le Conservatoire : depuis 1998, le Conservatoire d’espaces naturels de Poitou-Charentes équipe progressivement ses sites d’intérêts majeurs d’observatoires photographiques. Les objectifs sont doubles : suivre l’évolution des paysages au sein desquels s’insèrent les sites, et suivre l’impact des opérations de gestion programmées dans les Documents d’Action et de Gestion Concertée (DAGC).
Objectifs et méthode du Conservatoire d’espaces naturels de Poitou-Charentes
Objectifs
La qualité des paysages sur les sites du Conservatoire est réelle et doit perdurer. Même si la qualité intrinsèque des paysages est d’évoluer, cette évolution doit se faire suivant une certaine continuité.
La gestion et la protection des espaces naturels correspondent à un ensemble de pratiques et d’usages, à la fois contemporains et spécifiques des territoires concernés. Ces actions entretiennent certains types de paysages et peuvent en créer d’autres. En effet, les objectifs écologiques amènent bien souvent à des modes de gestion particuliers.
En outre, l’ouverture raisonnée de certains sites au public amène généralement à des aménagements (installation d’équipements et de mobilier) qui vont contribuer à « modifier » ces paysages.
La mise en place d’observatoires photographiques sur les sites gérés par le Conservatoire a pour but de :
- Suivre l’évolution esthétique et paysagère du site et de ses abords (ambiances paysagères, aménagement d’un sentier, construction de bâtiments à proximité du site…).
- Mesurer l’impact paysager de la gestion sur le site (curage de fossé, creusement de mare, coupe de ligneux…).
- Suivre l’évolution naturelle du site (dynamique d’embroussaillement, évolution saisonnière…).
Origine de la démarche
Le principe des observatoires photographiques a été lancé en 1989 par le ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement. Il souhaitait en effet disposer d’un système de « veille photographique », complémentaire de la cartographie et de la photographie aérienne, pour comprendre et suivre l’évolution des paysages français.
« Les Français qui aiment leurs paysages, parfois passionnément, sont inquiets de leur devenir. Ceci les amène à se réfugier dans des attitudes trop souvent passéistes. Le travail de l’observatoire photographique du paysage va permettre une meilleure appréciation des problèmes… La mise en place d’un système de veille photographique permet de faire ressortir sans délais les altérations du paysage, mais aussi certains progrès ou améliorations. Elle participe au suivi des territoires dont nous avons la charge… En associant l’approche sensible et l’approche scientifique, la mise en place de cet observatoire photographique contribue à l’émergence d’une culture moderne de l’environnement. » d’après “Séquences Paysages, revue de l’observatoire photographique du paysage (N°1)”- 1997
Cet outil répond également aux attentes de la Convention Européenne du Paysage qui dans l’article 6C précise que, concernant les paysages, les signataires s’engagent à : « analyser leurs caractéristiques ainsi que les dynamiques et les pressions qui les modifient » et « à en suivre les transformations ».
Réalisées à l’échelle du territoire national, la mise en place des observatoires et leurs reconductions sont assurées par des photographes professionnels qui s’engagent à suivre un protocole type particulièrement détaillé.
Méthode
Le Conservatoire a établi son propre protocole à partir de la démarche nationale, en adaptant ses exigences aux problématiques spécifiques de protection et de gestion des espaces naturels.
On distingue trois étapes :
- L’implantation : il s’agit de fixer un certain nombre de prises de vue sur un site donné et à un moment t. Les vues doivent être représentatives des ambiances et caractéristiques paysagères du site et prendre en compte les opérations de gestion en cours et à venir. Les paramètres de chaque prise de vue sont renseignés dans une fiche de terrain. Ils permettront de réaliser les différentes reconductions dans de bonnes conditions. Les « n » prises de vues ainsi définies correspondent à « n » observatoires.
- L’établissement d’un calendrier de reconductions des prises de vue.
- La reconduction effective des prises de vues réalisée de manière identique à l’implantation et à intervalles de temps réguliers.
L’ensemble des vues prises successivement pour un observatoire donné constitue une série photographique. L’analyse de ces séries permet d’observer de manière évidente l’évolution ou la non évolution d’un site, les impacts des opérations réalisées…