Cavités à chiroptères (Charente-Maritime) La lettre – mars 2014
Édito
Présentes sur terre depuis environ 50 millions d’années, les chauves-souris ont su coloniser presque toutes les latitudes et constituent le deuxième ordre le plus diversifié chez les mammifères, après les rongeurs, avec un peu plus de 1 100 espèces au monde. Animaux nocturnes, elles développent certaines adaptations écologiques uniques chez des mammifères, notamment par cette capacité de vol, mais également en utilisant pour se déplacer et se nourrir, sauf exception, l’écholocation, véritable sonar.
À l’image des hirondelles, dont elles partagent le gîte et souvent le couvert, les chauves-souris sont fortement menacées en France par de multiples causes comme la destruction des gîtes, les pollutions diverses, les dérangements, la modification des pratiques agricoles, etc. Afin de répondre aux exigences communautaires de protection des espèces et de restauration des populations, la France s’est doté, entre autres, d’un Plan National d’Actions (PNA) sur les chauves-souris, décliné au niveau régional.
Ces PNA priorisent un certain nombre d’actions à mettre en œuvre tant sur les connaissances, la protection que sur la sensibilisation. La priorité donnée en région porte sur l’amélioration de ces connaissances et la recherche de colonies de mise bas dont le recensement reste très parcellaire. Ces actions s’accompagnent également d’un important volet de communication et de sensibilisation pour favoriser les retours d’informations de la part du grand public.
Cette déclinaison est portée par Poitou-Charentes Nature et ses associations membres. Les actions ainsi déclinées entrent dans un programme régional de 3 ans (2013-2015) coordonné par Nature-Environnement 17 et financé par la Région Poitou-Charentes, la DREAL, l’Union Européenne et la Fondation LISEA-Biodiversité.
Maxime Leuchtmann
Coordinateur du Groupe Chiroptères Poitou-Charentes
Nature Environnement 17
Les chauves-souris, des espèces menacées à travers le monde
Principalement insectivores dans notre région, ces petits mammifères volants hibernent un tiers de l’année, regroupés en colonies de quelques spécimens à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’individus.
Très vulnérables au vu de leur cycle biologique, notamment en période d’hibernation, les chiroptères* sont également très sensibles aux modifications de l’environnement (pollution, urbanisation, …).
Peu prolifiques, les chauves-souris n’engendrent qu’un jeune par an. Toutefois, elles ont la particularité d’avoir une longévité élevée, allant pour certaines jusqu’à une trentaine d’années.
La protection des chiroptères reste primordiale car ils connaissent depuis 50 ans une forte diminution de leur population en France comme en Europe.
* du grec, cheiro : main et ptère : aile, signifie « qui vole avec les mains ».
Poitou-Charentes, une terre d’accueil favorable
Un engagement régional
Toutes protégées aux niveaux national et européen, les chauves-souris font l’objet d’une attention particulière en Poitou-Charentes, avec la présence de 26 espèces, sur les 34 recensées en France métropolitaine. La région est investie d’une responsabilité majeure dans la conservation des espèces suivantes, présentes sur son territoire :
– Le Grand rhinolophe, dont la population hibernante représente 14 % de la population nationale, fait du Poitou-Charentes la 2e région française (~ 7 400 individus) et la classe au 4e rang national pour la population estivale (~ 2 000 individus).
– Le Rhinolophe euryale, dont la population est considérée comme la 3e population reproductrice française (~ 2 000 individus).
– Le Minioptère de Schreibers, dont l’une des trois principales populations hibernantes de France (~ 10 000 individus). Près de 4 000 individus se reproduisent dans quelques cavités de Charente et de Charente-Maritime.
– Le Murin à oreilles échancrées, dont la population hibernante augmente depuis 20 ans, se situe à la 3e place au niveau national (~ 6 000 individus).
– La Barbastelle d’Europe, dont la région accueille l’un des trois plus grands sites français d’hibernation (~ 600 d’individus).
Des habitats diversifiés
Les chauves-souris fréquentent différents gîtes au cours de leur cycle biologique (hibernation, transit, « swarming* », mise bas, accouplement et repos). Ceux-ci, de préférence tranquilles, doivent répondre à des critères assez exigeants, tels qu’une obscurité quasi totale, l’absence de courant d’air, une ambiance fraîche et humide en hiver, mais chaude en été.
Les inventaires réalisés sur le territoire picto-charentais montrent l’occupation de quatre grands types de gîtes d’origine naturelle ou artificielle ; en l’occurrence les milieux souterrains, bâtis ou arboricoles et les ponts et ouvrages d’art. La région Poitou-Charentes a été fortement exploitée en carrières souterraines (près de 400 inventoriées par le BRGM** en 1996), qui aujourd’hui, sont pour la plupart abandonnées. Les autres types d’abris sont d’origine karstique, (grottes, gouffres…) ou correspondent à des caves, des tunnels, des souterrains de château, etc. La répartition des chiroptères est très disparate et seules quelques cavités offrent les conditions favorables pour l’hibernation, dont 61 % des sites accueillent moins de 10 individus.
* Rassemblement
** BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières
Protection des chauves-souris en Poitou-Charentes
La conservation de ces gîtes et territoires de chasse est une priorité, possible grâce à plusieurs outils règlementaires comme l’Arrêté préfectoral de Biotope, Natura 2000…, ou contractuels comme les MAE* et la maîtrise foncière et d’usage (Acquisition, convention, etc.).
* MAE : mesure agri environnementale
L’action du CREN
Depuis 1995, le Conservatoire Régional d’Espaces Naturels (CREN) soutenu par les associations de protection de la nature, intervient sur les cavités souterraines de la région pour préserver les habitats propres à l’accueil des chiroptères. Environ 10 % d’entre-elles reçoivent régulièrement plus d’une centaine d’individus.
Les sites majeurs connus en Poitou-Charentes sont, pour la plupart, inscrits dans les périmètres d’intervention du CREN. Fortement mobilisé, il veille à la pérennité des populations en prévenant, entre autre, les perturbations ou dérangements (feux, déchets, obturation d’accès, etc.) courants dans ces lieux souvent fréquentés par le public.
En 2014, on recense onze sites gérés par le CREN sur la région. L’enjeu porte principalement sur le Grand rhinolophe, le Petit rhinolophe et le Murin à oreilles échancrées.
Aménager pour protéger les populations
Le CREN, financé par l’État et les collectivités, a engagé plusieurs travaux pour éviter le dérangement des colonies de chiroptères. Aux grottes de Loubeau (Deux-Sèvres), grâce à un financement de la DREAL* et de l’Europe (Contrat Natura 2000), une grille a été installée dans l’entrée.
À Tesson et à Saint-Romain de Benêt, grâce aux conventions avec les propriétaires privés et à des financements de la Région Poitou-Charentes, la protection de l’entrée d’une cavité a été posée récemment.
À Jonzac, le Conseil général de Charente-Maritime a financé la mise en sécurité de la carrière par la remise en place d’une porte.
Ce sont d’ores et déjà cinq cavités qui sont mises en sécurité, suivies courant 2014 et 2015 par l’aménagement d’autres sites.
* DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement
Découvrir les mœurs des chiroptères
La protection des populations comme de leur habitat passent également par un travail de sensibilisation du public, initié par les associations de protection de la nature. Pour comprendre le mode de vie de ce petit mammifère, une animation autour des chiroptères se déroulera le 12 septembre 2014 à la mairie de Tesson.
Il est possible d’héberger des chauves-souris chez soi dans de bonnes conditions avec les conseils de spécialistes. Pour les personnes intéressées par cet accueil, n’hésitez pas à contacter :
Poitou-Charentes Nature
Tél. 05 49 88 99 23
courriel : pc.nature[at]laposte.net
En septembre 2013, le Conservatoire a réalisé une petite chronique radio sur les chauves-souris.