Coteau de Fontaury (Charente) La lettre – octobre 2018
Édito
« L’homme et la nature seront sauvés ensemble. » Ecrivait Jean Dorst, en 1965.
Les collectivités, les agriculteurs, les chasseurs, les pêcheurs, et les associations de protection de la nature participent activement à la gestion des espaces naturels. Ce partenariat est indispensable pour que le Conservatoire Régional des Espaces Naturels (CREN) soit efficace, notamment pour enrayer la dégradation de la biodiversité.
Le site du coteau de Fontaury et le site classé de la Font qui pisse sur le territoire de Châteauneuf sur Charente, sont un patrimoine naturel très riche de pelouses calcaires et d’espèces protégées, justifiant son intégration au réseau des sites Natura 2000.
Des travaux importants d’entretien et de préservation des pelouses calcaires ont été proposés et accompagnés par le CREN. Des coupes sélectives de ligneux, la restauration du pied de falaise, la fauche et le débroussaillage vont rétablir l’attrait paysager de ce site, véritable merveille de notre territoire.
Je me réjouis donc de ce partenariat et de cet engagement du CREN pour le maintien et l’entretien de ce lieu historique et typique.
JL Levesque, maire de Châteauneuf-sur-Charente.
Perception paysagère
La vallée de Fontaury entaille le vaste plateau calcaire de la Champagne charentaise. À la confluence d’un ensemble de vallons et du fleuve de la Charente, elle forme un paysage tout à fait particulier et dont la disposition géologique a donné lieu à la formation de falaises devenues emblématiques.
Si le territoire offre globalement un caractère viticole (chais, vignobles ponctués d’arbres isolés), la vallée se démarque aussi par sa proximité avec l’espace urbain. L’alignement des ceps de vigne révèle et amplifie le relief aux formes courbes de la vallée, tandis que sur certains coteaux, la culture s’efface, laissant place aux pelouses sèches ponctuées de genévriers. L’impression d’ensemble n’est pas sans évoquer parfois certains paysages de Toscane.
Le rocher de la Font-qui-pisse
L’image du rocher dans le paysage est ici très évocatrice et emblématique de ce qu’on appel depuis longtemps un »paysage remarquable ».
S’élevant à plus de 35 m de hauteur, la forme originale de ces falaises est due à une érosion des couches calcaires selon leur résistance au gel des hivers.
Ces couches de calcaires, plus ou moins tendres, se délitent sous l’effet du gel et donnent naissance à des abris sous roche (emblématiques). Au fur et à mesure que s’est érodée la roche, les éboulis se sont accumulés aux pieds des falaises, formant aujourd’hui des talus.
Malgré le relief accidenté et la nature très rocheuse des sols, les coteaux calcaires étaient autrefois gérés par les viticulteurs qui venaient y faire paître leurs moutons et les bêtes de somme nécessaires à leurs travaux agricoles.
Ces pratiques ont permis de garder ouverts les espaces de talus au pied des parcelles où se sont épanouis des milieux de pelouses sèches sur socles calcaires.
Du fait de l’évolution de la mécanisation des pratiques viticoles au XXe siècle, la disparition des pratiques de pâturage a fait de ces prairies des espaces délaissés. Ces parcelles agricoles se sont par conséquent progressivement boisées au profit d’autres, ailleurs, aux sols plus profonds. L’avancée du boisement créé un écran, masquant plus ou moins les formations rocheuses. Avec la disparition d’anciens usages, c’est à la fois la biodiversité qui régresse et les paysages qui perdent lentement leur identité.
Premières actions entreprises
Le bruit des tronçonneuses et des branches qui craquent ont résonnés dans la vallée durant le mois de janvier 2018.
Le Conservatoire, gestionnaire du site depuis 2013, a mis en œuvre ses premières actions en faveur de la biodiversité par le biais d’un contrat Natura 2000. En l’absence de pâturage, qui permettait autrefois l’entretien de ce coteau, ce sont les débroussailleuses qui ont pris le relais.
La coupe de ligneux colonisateurs et l’entretien des pelouses sèches permettent de rouvrir le pied de falaise. Ainsi restauré, ce milieu offre dorénavant des conditions favorables aux papillons notamment.
Les premiers secteurs à avoir bénéficié de ces travaux sont ceux de « l’Éperon rotule » et « des pièces », ainsi nommés dans le diagnostic paysager du site afin de caractériser les différentes séquences paysagères du coteau.
La séquence paysagère la plus remarquable correspond au secteur où le caractère monumental du bloc rocheux s’exprime avec le plus de force. Un éperon rocheux, plus saillant que les autres, introduit cette séquence lorsque l’on remonte la vallée ; les aplombs qui suivent sont très appréciés des grimpeurs.
La présence de magnifiques spécimens de chênes verts accompagne cette monumentalité, tout en procurant un ombrage apprécié des visiteurs.
Indéniablement, « l’Éperon-rotule » revêt une dimension emblématique, à la fois pour ce site classé et plus largement encore. Sur « les pièces », on distingue une succession de motifs de falaises délimités par des ourlets boisés.
En 2017, un observatoire photographique du paysage a été implanté sur le site afin de permettre de visualiser les évolutions paysagères, consécutives aux travaux de réouverture du milieu naturel.
Qu’est-ce qu’un OPP
Pour en savoir plus sur les Observatoires Photographiques du Paysage, rendez-vous sur notre site internet cren-poitou-charentes.org, rubrique « Paysage », ou téléchargez le livret « Observatoires Photographiques du Paysage », rubrique « Publications ».
Une petite histoire des Sites Classés
C’est au milieu du XIXe siècle qu’une première notion de patrimoine architectural et son régime de protection apparaissent. L’idée d’étendre cette démarche aux espaces naturels de grande valeur émergera dès le début du XXe siècle.
La loi du 21 avril 1906, confirmée plus tard par la loi du 2 mai 1930 dessinent les contours de la protection du paysage, définissant les espaces naturels concernés. Il s’agit de ceux « dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général ».
Si ces critères restent inchangés depuis 1930, la notion de protection a évolué. Autrefois limitée au point de vue, elle concerne aujourd’hui un espace lui-même ou un territoire élargi (Marais poitevin, vallée de la Vézère, Corniche basque…).