Les communaux de l’Hôpiteau (Deux-Sèvres) La lettre – set. 2016
Edito
Milieu « naturel » singulier, les Brandes du Poitou sont riches d’une biodiversité faunistique et floristique. Espace remarquable à ce titre, elles ont une vocation patrimoniale nécessairement
à protéger, mais aussi à partager auprès d’un public le plus large possible : la sensibilisation restant le meilleur garant de la sauvegarde du fragile.
Les terres de Brandes sont des sols pauvres et de structure médiocres mais où l’Homme a puisé de nombreuses ressources par le passé. C’est une longue histoire entre les sociétés et la nature qui a forgé ces paysages : terres de déforestation ancienne, la formation végétale de type lande au cœur de notre région imprime une étonnante mosaïque de milieux ponctués de marres que l’industrie briquetière par l’extraction d’argiles a façonné.
Exploitée de manière extensive par l’élevage durant des siècles, l’agriculture, après avoir oubliée et abandonnée ces terres, les a réinvestit au point qu’il ne reste plus que 6000 hectares de Brandes du Poitou sur les 90000 que l’on pouvait compter au XIXème siècle.
L’une des missions du Conservatoire d’Espaces Naturels est de protéger, valoriser ce patrimoine naturel. Le travail effectué depuis plusieurs années sur les 17 hectares des landes de l’Hôpiteau par le Conservatoire est donc remarquable, tant sur la préservation des espèces et des espaces réalisée que sur la valorisation auprès de la population : le sentier d’interprétation ouvert à tous donne à apprécier, aimer cet espace et la nature belle et vivante qui s’y déploient.
Tout cela est rendu possible grâce aux acteurs locaux, élus, habitants, partenaires, qui par leurs liens sensibles au territoire, ont voulu poursuivre l’écriture de leur relation aux Brandes du Poitou, à l’épreuve du temps.
Nicolas Gamache, Vice-Président du Conservatoire d’Espaces Naturels Poitou-Charentes, Conseiller régional délégué au patrimoine naturel
Les Communaux de l’Hôpiteau, situés en Gâtine Deux-Sèvrienne sur la commune de Boussais, présentent un milieu naturel aujourd’hui rare et relictuel en Poitou-Charentes, la Brande du Poitou.
La Brande et l’Hôpiteau, une grande histoire…
Le mot « Brande » désigne la bruyère à balais, ou « Grande bruyère », mais également le milieu de « lande haute » où domine cette espèce. Cette végétation se développe dans des conditions difficiles provoquées par des sols pauvres et acides. Ces conditions sont souvent accentuées par une dégradation des sols liée à la surexploitation très ancienne des forêts,
et à des incendies répétés, lui donnant ce nom de Brande, de l’ancien français « brûler ». La Gâtine Deux-Sévrienne, connue pour ses terres acides et froides en lien avec le sous-sol granitique, était occupée par des surfaces importantes de Brande jusqu’au XIXe siècle. Terres incultes et sauvages, ces paysages ont d’ailleurs été l’un des derniers refuges pour le loup.
C’est à partir de 1870 que les défrichements se sont intensifiés permettant la culture des terres grâce à l’apparition de la charrue Dombasle et à l’emploi de la chaux comme amendement.
À présent, les Communaux de l’Hôpiteau s’insèrent dans un paysage bocager, la « Gâtine de Parthenay » où prédominent des prairies vouées à l’élevage, maillées par un dense réseau de haies.
Un équilibre et une richesse fragiles
La diversité des groupements végétaux est remarquable sur le site, avec près de 300 mares permanentes dans les secteurs de lande sèche à Bruyère cendrée, en passant par la lande humide à Bruyère à quatre angles et la lande mésophile(1) à Bruyère à balais. Plusieurs espèces végétales présentes dans les mares (Renoncule toute blanche, Utriculaire, …), ainsi que sur les chemins (Cicendie filiforme, …), confèrent au site un intérêt patrimonial exceptionnel. Associés à cette richesse floristique, mammifères, oiseaux (Busard Saint-Martin, …), batraciens (Triton crêté, …) et insectes, tels que les libellules (Leucorrhine à gros thorax), y trouvent refuge. Les activités qui contribuaient à régénérer la lande ont disparu, laissant les Communaux se boiser progressivement. La Brande est devenue de plus en plus haute et dense, chênes, bouleaux, saules et pins s’implantant peu à peu. Cette évolution, doublée par l’atterrissement des mares, se réalise au détriment de la diversité écologique et paysagère. Bon nombre d’espèces ne retrouveront plus les conditions nécessaires à leur survie.
Préserver, c’est gérer… durablement
Afin d’enrayer la dégradation du site, la commune de Boussais et le SIVU(2) d’Airvault, en partenariat avec le Conseil départemental des Deux-Sèvres et le Conservatoire Régional d’Espaces Naturels de Poitou-Charentes, ont pris la décision de préserver et faire découvrir au public ce remarquable patrimoine communal. Dès 1997, le SIVU conduit une première phase de travaux (coupe de restauration de Brande, création d’une mare de taille plus importante, curage et profilage des berges en pente douce…). Afin d’assurer durablement la gestion du site, la commune de Boussais signe en 2002 un bail emphytéotique d’une durée de 30 ans avec le Conservatoire. Un plan de gestion est alors rédigé et différents chantiers de coupes d’entretien ou de
restauration de la lande sont alors réalisés.
En associant élus locaux, chasseurs, associations de protection de la nature et d’éducation à l’environnement, au sein notamment d’un comité de gestion, le Conservatoire souhaite que la préservation des Communaux de l’Hôpiteau soit l’affaire de tous et permette un échange de savoir-faire sur la gestion de la Brande du Poitou, avec l’émergence de nouveaux projets.
Suivi et évaluation de la gestion
Afin d’assurer le suivi et l’évaluation des modalités de gestion mises en oeuvre, des études sont régulièrement menées par Deux-Sèvres Nature Environnement (DSNE) et le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres (GODS). Celles-ci permettent d’inventorier les espèces animales et végétales présentes et leur évolution, mais aussi de mesurer l’impact des travaux sur ces espèces et de réadapter si besoin les actions.
Un lieu de découvertes et de sensibilisation
Absence de point de vue, sentiment d’oppression : parcourir la lande n’est pas chose aisée ou tentante. Pourtant, les Communaux offrent un terrain surprenant de découverte. Des sentiers qui traversent le site sont à découvrir seuls ou lors d’animations nature. La définition du parcours permet la préservation d’une « zone de tranquillité » non accessible au public du 1er mars au 31 août, favorable notamment à la reproduction des oiseaux.
Depuis 2012, un sentier d’interprétation d’environ 2,5 km guide le promeneur en l’informant sur la lande, les mares, les activités humaines passées…