Les pelouses sèches (Vienne), La lettre – juil 2013

Lettre info Pelouses sèches - Juillet 2013
Lettre info Pelouses sèches - Juillet 2013

Les pelouses sèches (Vienne), La lettre – juil 2013

Édito

La perception de notre environnement est une affaire d’échelle !

Alors que le public est souvent directement sensible à ce qui est « grand » (les paysages, les arbres majestueux,…), la découverte de ce qui est « petit » demande un effort supplémentaire. Pourtant, il suffit de regarder à nos pieds pour faire des découvertes insoupçonnées mais néanmoins d’une grande valeur !

La flore des pelouses sèches sur sols calcaires relève de cette deuxième catégorie. Composée essentiellement d’espèces herbacées, souvent de petite taille, la série végétale sur calcaire compte pas moins de 816 espèces en Poitou-Charentes, dont 69 plantes protégées. Cette flore extrêmement diversifiée semble pourtant n’avoir jamais réellement intéressé nos anciens ; à peine une douzaine d’espèces sur les  816 recensées,  possède un nom en patois.

Pourtant, que de choses passionnantes à apprendre sur la flore des pelouses calcaires !

Leur répartition géographique par exemple. La présence de certaines espèces sur les pelouses sèches du département relève moins du hasard que des vicissitudes climatiques car, si immobiles et enracinées soient-elles, les plantes savent migrer avec le temps, par le jeu des reproductions successives, graines, spores, fruits et boutures tirant parti des intempéries ou des prélèvements de la faune.

Tantôt relique de temps immémoriaux, où une steppe froide et aride occupait le Poitou (à l’instar de la Spirée à feuilles de Millepertuis), tantôt à l’avant-garde d’un réchauffement climatique en cours (comme en témoigne la découverte de l’Ophrys jaune en Vienne), la flore des pelouses sèches évolue sans cesse. Elle nous rappelle un lointain passé, mais nous aide aussi à nous projeter dans l’avenir… alors, ensemble, protégeons-la !

Yves Baron

« Protéger »

Réseau des sites CEN

Assurer la conservation et la restauration du patrimoine naturel et paysager pour le Conservatoire, passe par la gestion des espaces naturels soit par maîtrise foncière, en acquérant des parcelles de terrains, soit par maîtrise d’usage grâce à des baux ou des conventions avec des particuliers, des collectivités, etc.

Apprendre à les reconnaître

Différentes de ce que l’on contemple dans nos jardins, les pelouses sèches sont des formations végétales herbacées rases dépassant rarement 30 cm de hauteur et poussant sur des sols généralement peu profonds. En Poitou-Charentes, ces pelouses se retrouvent sur des sols calcaires, généralement en pente avec une exposition très ensoleillée, fournissant un ensemble de conditions favorables à leur développement.

Schéma © O. Bardet/CSNP

Schéma © O. Bardet/CSNP

Des habitats menacés de disparition

Ces pelouses, issues de défrichements anciens des forêts, se sont longtemps maintenues grâce à une activité pastorale (brebis, chèvres ou ânes). Cependant, depuis les années 1950 jusqu’à aujourd’hui, la déprise agricole, la modernisation rapide des techniques d’élevage et de culture, l’abandon de ces pâtures voire même leur remise en culture, contribuent à la disparition de ces pelouses qui abritent des cortèges faunistique et floristique conséquents (30 % des espèces animales protégées en France et 26 % pour les plantes).

La fermeture du milieu, suite à l’arrêt du pâturage par exemple, se traduit par la progression de certaines graminées sociales, comme la Brachypode penné et d’espèces d’arbustes, telles que le cornouiller ou le prunellier. Cette colonisation entraîne, de fait, une diminution de la précieuse biodiversité des pelouses sèches. La plupart de ces milieux sont menacés à l’échelle européenne et bénéficient d’un statut particulier de protection dans le cadre de la constitution du réseau européen Natura 2000.

« Connaître »

Enjeux biologiques

Le terme générique de « pelouses calcaires » comprend différents types de milieux dominés par des plantes herba­cées qui correspondent aux premiers stades d’évolution d’un site. Ainsi, la succession des milieux se fait comme suit.

Tout d’abord, les secteurs les plus « jeunes » situés sur les zones où la roche mère calcaire affleure, sont colonisés par les plantes annuelles et succulentes,  adaptées aux milieux arides, comme les sédums*.

Viennent ensuite les pelouses calcaires proprement dites, avec, pour les plus sèches une forte proportion d’espèces annuelles et qui peuvent abriter une grande diversité d’Orchidées.

Les pelouses sont ensuite colonisées par les fourrés, aboutissant à la chênaie pubescente, stade final de l’évolution.
* plantes de rocaille ou petits arbustes

Un « hotspot* » de biodiversité

Orchis singe © CEN-PC

Orchis singe © CEN-PC

Les pelouses abritent une formidable richesse en espèces animales et végétales, bien que les populations tendent à disparaitre avec le recul de celles-ci. Voici les portraits de quelques-unes d’entre-elles.

Le Pipit rousseline

Passereau à l’allure élancée, il affectionne les milieux de pelouses rases et clairsemées. Bien que l’état des populations en France semble non défavorable, la situation en Vienne est plus précaire, en lien avec la disparition des zones de parcours à moutons constitués par les pelouses calcaires.

Le Mercure

Le Mercure est l’un des papillons les plus rares du département de la Vienne. Inféodé aux pelouses rases et aux landes sèches, il a connu un fort déclin en lien avec l’évolution de ces milieux au cours du XXe siècle. Sa préservation nécessite la conservation de vastes entités de pelouses.

Le Caloptène ochracé

Ce criquet recherche les pelouses chaudes et relativement sèches où la roche mère est à nue. Strictement herbivore, il consomme les plantes basses telles que le plantain et les crépides à proximité des endroits décapés.

La Spirée à feuilles de Millepertuis

La Spirée à feuilles de Millepertuis est un arbuste issu des steppes froides et sèches qui occupèrent jadis le Poitou. De nos jours, il colonise encore de ses larges touffes certains plateaux arides à sol superficiel, comme aux Chaumes de Thorus à Château-Larcher, ou sur les sables de Lussac.

L’Orchis singe

Les orchidées sont, sans doute,  les espèces les plus emblématiques des pelouses sèches. On peut rencontrer, çà et là dans la Vienne, le magnifique Orchis singe protégé au titre régional, dont les cinq fines divisions du labelle évoquent la silhouette simiesque.

*zone géographique d’une grande richesse en biodiversité particulièrement menacée

« Gérer »
Restauration et gestion adaptées aux enjeux de conservation

Pâturage ovin sur une parcelle de pelouse calcicole, Dissay © CEN-PC

Pâturage ovin sur une parcelle de pelouse calcicole, Dissay © CEN-PC

L’abandon du pâturage est l’une des principales menaces, entrainant une colonisation ligneuse avec une évolution inévitable vers des habitats forestiers. Afin de conserver ces habitats de pelouses calcaires à forte valeur patrimoniale, des opérations de restauration par débroussaillage puis d’entretien sont indispensables.

Restauration

Généralement, lorsque le Conservatoire d’espaces naturels intervient sur un nouveau site, le degré d’em­broussaillement est déjà bien avancé. Il est alors néces­saire d’entreprendre une première phase de restauration. En raison de l’accessibilité et des pentes importantes, les travaux sont le plus souvent manuels, bien que parfois mécanisés lorsque la topographie le permet.

Gestion par fauche

En raison de la topographie des parcelles, cette solu­tion est rarement retenue sur les sites du Conservatoire et ne concerne qu’une parcelle de un hectare à Angle-sur-l’Anglin.

Gestion par pâturage

Usage traditionnel des pelouses, ce type de gestion est privilégiée, avec toutefois certaines contraintes concer­nant l’abreuvement des animaux. Néanmoins, sur plusieurs sites, le Conservatoire a pu développer des partenariats avec des éleveurs locaux ou des particuliers propriétaires d’animaux, voire avec des riverains rassemblés en asso­ciation pour la gestion d’un troupeau collectif, comme à Dissay, par exemple. Trois sites sont concernés en Vienne, le Coteau des Pendants, Ensoulesse et les Pièces de Lalœuf.

« Valoriser »

Exceptionnellement riches et pourtant encore mécon­nues, les pelouses sèches de la Vienne méritent absolu­ment d’être présentées et expliquées au public. La sensibi­lisation à l’environnement constitue bien une des missions du Conservatoire d’espaces naturels. Pour ce faire, des sorties nature gratuites sont organisées chaque année sur des sites de pelouses sèches. Pour y participer, il n’est pas nécessaire d’avoir des connaissances en botanique, orni­thologie ou entomologie ! Les animateurs professionnels des associations de protection de la nature (Vienne Nature, LPO Vienne, Société Française d’Orchidophilie,…) sont là pour vous faire partager leur passion et leurs savoirs.

Les sentiers de découverte et les aménagements dédiés à l’accueil du public sont également un autre exemple de valorisation pédagogique. En Vienne, l’ouverture d’un sentier de découverte est ainsi prévue fin 2013 sur le Coteau des Pendants, à Dissay.

Le site d’Ensoulesse est équipé d’insolites sculptures animalières en acier inoxydable. Cette démarche originale permet d’attirer des visiteurs sensibles à une découverte sensorielle et émotionnelle des pelouses sèches. Mais n’oubliez pas que les pelouses sont fragiles ! Rapportez de vos balades souvenirs et belles images, mais point de bouquets !

Cœur de métier

Depuis mars 2013, le Conservatoire produit une chronique radio mensuelle intitulée « Cœur de métier », et diffusée sur les ondes régionales.
L’émission d’avril 2013 était notamment consacrée au Coteau des Pendants (Dissay) et à sa gestion par pâturage mise en place par le collectif associatif « Dissay-Nature, Coteau des Pendants ».
Pour écouter l’émission et obtenir plus d’informations