Marais de Clussais-la-Pommeraie (Deux-Sèvres) La lettre – juin 2017

OPP Marais de Clussais-la-Pommeraie n°03 - Oct. 2009 © CEN-PC
OPP Marais de Clussais-la-Pommeraie n°03 - Oct. 2009 © CEN-PC

Marais de Clussais-la-Pommeraie (Deux-Sèvres) La lettre – juin 2017

Édito

De par sa situation géographique, alliant marais et zone de plaine, la commune de Clussais-la Pommeraie accueille de nombreuses richesses écologiques et notamment au cœur de ses zones humides remarquables. Les suivis naturalistes ont permis d’y observer près des 3/4 des espèces de papillons des Deux-Sèvres et plus de 60% des libellules et des Orthoptères (sauterelles, grillons, criquets)  connus sur le Département. Les autres groupes d’espèces de faune et de flore ne sont pas non plus en reste.

Ca n’est donc pas un hasard, si le Conservatoire Régional d’Espaces Naturels de Poitou-Charentes intervient sur plusieurs secteurs, dont le site historique du Marais de Clussais-la Pommeraie depuis maintenant plus de 20 ans, en partenariat avec la commune et des agriculteurs locaux.

Je vous invite à venir découvrir ce marais, souvent méconnu, en parcourant cette lettre et lors des animations nature régulièrement proposées par le Conservatoire. 

Etienne Fouché, Maire de Clussais-la-Pommeraie.

Cuivre des marais_c-auburtin

Cuivre des marais ©c-auburtin

A l’ombre de Notre-Dame de Clussais

En Deux-Sèvres, l’histoire du Conservatoire a commencé là, sur ce marais ! Au départ de Melle, on doit parcourir le plateau vers le sud-est, où terres rouges des champs cultivés, bosquets résiduels de châtaigniers ponctuent le paysage. La petite commune de Clussais-la-Pommeraie et sa jolie église romane, Notre-Dame de Clussais, nous guident vers ce tout petit marais niché au fond d’une échancrure du plateau. Cette dépression humide, aux sols argileux et localement tourbeux, accueille plusieurs milieux à fort intérêt écologique : prairies naturelles humides, landes, boisements, mares, fossés se partagent l’espace.

Alliances secrètes

Cette remarquable diversité de milieux permet la présence d’habitats et d’espèces rares et menacés. Orchidées, Gentiane pneumonanthe, Cuivré des marais…, sont les hôtes privilégiés d’un habitat d’intérêt européen, la prairie humide à Molinie. La Pie-grièche écorcheur affectionne ces prairies bordées de haies buissonnantes. Une dizaine d’espèces d’amphibiens, dont les surprenants tritons marbré et crêté, occupe les mares en période de reproduction. Mares qu’ils partagent notamment avec plusieurs espèces de libellules comme l’Anax empereur, la Leste fiancée ou la Libellule déprimée.

Un équilibre et une richesse fragiles

Toutefois, ce site d’intérêt majeur sur le plan paysager et écologique connaît, comme une grande partie des zones humides, un équilibre menacé par l’évolution de l’occupation du sol.

Le marais était exploité par fauche et pâturage jusque dans les années 1950. Puis, il a été progressivement abandonné. Des essais de mise en culture ont été tentés, sans succès. Les prairies humides ont commencé à s’enfricher au point de laisser place aux taillis arbustifs de Bourdaines et aux boisements de Frênes. En parallèle, les mares se comblent peu à peu jusqu’à s’atterrir. Les espèces liées aux milieux prairiaux et aquatiques disparaissent alors…

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Gentiane pneumonanthe ©c-auburtin

Ambiances au fil des saisons

Le Marais de Clussais-la-Pommeraie constitue un véritable paysage témoin d’un marais bocager dont il ne reste que peu d’exemples suite aux mutations agricoles de ces dernières décennies. C’est un espace attrayant à chaque instant. En l’absence de feuillage, l’hiver est la saison des transparences, des perspectives, des prairies et des mares gorgées d’eau.

Le printemps et le début de l’été sont celles des camaïeux de verts, des papillonnements furtifs, des floraisons surprises et spectaculaires et finalement des odeurs d’herbes coupées. Puis vient l’ambiance sèche et jaunie de la fin de l’été et l’automne  : une végétation rabougrie crisse sous les pas.

Acquérir pour protéger

En 1995, sous l’impulsion d’une association locale de défense de l’environnement, des associations départementales de protection de la nature, et avec le soutien du Maire de la commune, le Conservatoire Régional d’Espaces Naturels (CREN) de Poitou-Charentes, juste créé, a engagé un projet de préservation des richesses écologiques de ce marais. En lien avec la Safer*, le CREN a pu faire l’acquisition à l’amiable de 23 hectares, en grande partie des prairies bocagères en cours d’embroussaillement et de boisement, afin de les réhabiliter. En 2014, une nouvelle animation foncière a permis d’acquérir 6,5 hectares complémentaires.

MFU_2017

MFU 2017

Préserver, c’est gérer… durablement

Ré-ouverture de prairies et de fossés embroussaillés, reconversion de parcelles mises en culture, curage de mares avec mise en pente douce des berges, ouverture de layons et clairières dans les taillis de Bourdaines… Différents travaux de restauration ont été menés depuis 1996 pour retrouver des conditions favorables aux différents habitats et espèces d’intérêt patrimonial.

Afin d’en assurer l’entretien, plusieurs parcelles sont gérées par des exploitants agricoles dans le cadre de conventions de gestion assorties de cahiers des charges agri-environnementaux. Le Conservatoire fait également appel à des entreprises de travaux agricoles ou à des prestataires spécialisés pour conduire des travaux de génie écologique.

Les suivis scientifiques réalisés par Deux-Sèvres Nature Environnement et le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres ont démontré que la gestion menée depuis 1996 a permis de préserver les richesses écologiques du site. Toutefois, les prairies humides à Molinie montrent des signes de vieillissement et la Gentiane pneumonanthe tend à régresser. Afin d’y remédier, une gestion expérimentale est testée depuis 2015 sur plusieurs parcelles, selon trois modalités : pâturage ovin, fauche automnale avec exportation tous les ans ou tous les 2 ans.

Un lieu de découverte et d’échange d’expériences

Parcourir le marais de Clussais-la-Pommeraie n’est pas toujours aisé, surtout lorsque les prairies sont « noyées ». Pourtant, visiter ce site en hiver donne l’impression de s’immerger dans un territoire « sauvage, éloigné de tout », alors que le printemps laisse exploser mille couleurs. C’est pour cela, mais aussi en raison de la sensibilité des différentes espèces présentes, que la découverte des lieux et de ses richesses est avant tout proposée au public dans le cadre de visites guidées.

En associant élus locaux, agriculteurs, chasseurs, naturalistes, le Conservatoire souhaite que la préservation du marais de Clussais-la-Pommeraie soit l’affaire de tous et permette un échange de savoir-faire sur la gestion des zones humides et l’émergence de nouveaux projets.

Zones humides en forte régression

Au cours du XXe siècle, les deux tiers des zones humides ont disparu en France, pour atteindre à peine plus de 2,5 % du territoire métropolitain (hors vasières, milieux marins , cours d’eau et grands lacs). Pourtant plus de 50 % des espèces d’oiseaux dépendent des zones humides et 30 % des espèces végétales remarquables et menacées en France y sont inféodées.