Grandes Brandes (Vienne) – Fiche site
Les brandes du Poitou
Habitat emblématique du Poitou par excellence, les landes mésophiles à Bruyère à balais, ou plus communément appelées « brandes », sont le témoignage, le vestige vivant d’un paysage caractéristique du Poitou, hérité non seulement du fonctionnement du milieu lui-même, mais également de pratiques économiques et sociales. Il témoigne de l’évolution des systèmes agraires du Poitou depuis des siècles. Victimes de nombreux défrichements (déjà signalés au XIIIe siècle), de l’enrésinement, de l’augmentation des surfaces agricoles et de l’abandon des incendies volontaires qui les régénéraient, les surfaces de landes ont fortement régressé et celles qui restent sont menacées : des 90 000 hectares en brandes estimés vers 1860 pour le seul département de la Vienne, il n’en subsiste que 7 500 hectares actuellement à l’échelle régionale, dont 5 000 ha en Vienne. À la fois enveloppantes et mystérieuses, synonymes de terre ingrate pour les uns, joyau naturel pour les autres, parfois inspirant encore la peur (« Brandes du Poitou, cachette à loup ! », dont le dernier animal aurait été abattu en 1930), les landes ne laissent pas indifférent le promeneur. Le maintien des landes fut permis par l’usage traditionnel de la population locale : utilisation de la brande comme litière pour les animaux, fabrication des toitures, des balais, des palissades… Par ailleurs, les incendies qui parcouraient régulièrement les brandes entretenaient également un couvert végétal relativement bas.
Paysage
Contexte paysager
Les « Landes de Lussac » se situent au cœur de la plus vaste des entités paysagères de la Vienne : les « terres de brandes » (entité 202 de l’Inventaire des paysages de Poitou-Charentes). Cette entité offre des paysages de plaines vallonnées au relief peu marqué et donne l’image d’une campagne tranquille, peu habitée. C’est en effet la rareté du bâti qui caractérise le secteur, les villages et les fermes n’apparaissant que sporadiquement. De même, les infrastructures y sont moins denses qu’ailleurs. Ces caractéristiques contribuent à former un paysage que certains pourraient percevoir comme « dépouillé », mais au sein duquel le végétal en vient à occuper une place fondamentale dans le paysage en fonction des formes qu’il arbore : bosquet, taillis, forêt, verger, brande, haie, arbre isolé.
Intérêts paysagers du site
Au siècle dernier, les brandes occupaient un vaste territoire en Poitou. Leur existence résultait de pratiques et d’usages locaux. Par manque d’entretien et d’intérêt économique, les surfaces de brandes ont tant régressé que les quelques massifs restants, occupent une place discrète dans le paysage. Avec le terrain militaire de Montmorillon, les Landes de Sainte-Marie ou bien encore la Réserve Naturelle du Pinail (unique Réserve Naturelle Nationale en Vienne) un peu plus loin, le site des Grandes Brandes s’inscrit dans un réseau de sites représentatifs de ces espaces naturels et ruraux souvent méconnus ou oubliés : un patrimoine culturel, écologique et paysager incomparable.
Ambiances
Enchevêtrement de bruyères et d’ajoncs, les Grandes Brandes semblent à première vue sauvages et impénétrables. Ce n’est qu’en empruntant un des layons qui sillonne le site qu’il devient possible de découvrir et d’apprécier les différentes ambiances qu’offrent les bosquets, les mosaïques de mares soigneusement camouflées et les rares clairières. La végétation est proche, la vision sur les environs limitée. Il est difficile de s’orienter parmi ce haut tapis de bruyère. Seuls quelques Pins et Chênes dont la haute silhouette émerge, constituent des points de repère évidents. Les brandes confèrent un caractère fort au site, mais les mauves tendres des callunes, les jaunes éclatants des ajoncs et le bleu furtif des libellules viennent en adoucir la perception.
Patrimoine naturel
Milieux naturels
Les Grandes Brandes de Lussac présentent un ensemble remarquable de landes mésophiles (ou « brandes du Poitou ») diversifié de milieux se développant sur des sols pauvres argilo-sableux où prédominent les landes à bruyères, auxquelles plus de 15 autres types habitats naturels sont présents et confèrent ainsi au site une grande richesse écologique. On peut distinguer 4 groupements d’habitats : les landes, les mares et les milieux humides, les milieux herbacés et les boisements.
Les complexes de landes occupent la majeure partie du site. Au sein de la brande, 3 associations de landes sont intimement mêlées et s’expriment selon le gradient d’humidité du sol. La lande humide caractérisée par la forte dominance de la Bruyère à quatre angles (Erica tetralix) et la présence de sphaignes occupe les zones les plus humides et le pourtour des mares ; la lande sèche dominée par la Bruyère cendrée (Erica cinerea) occupe les secteurs les plus séchant (buttes formées par l’exploitation de la pierre meulière principalement) et la lande mésophile, la brande proprement dite, dominée par la Bruyère à balais (Erica scoparia) est le type dominant sur la majorité du site.
Les mares occupent les dépressions issues de l’exploitation de la pierre meulière. La présence d’argiles blanches surmontant les bancs de marnes et calcaires explique la présence d’une nappe perchée alimentant les quelques 500 mares encore présentes sur le site aux eaux essentiellement oligotrophes et légèrement acides.
Les prairies humides à Molinie bleue occupent principalement les layons enherbés parcourant le site. Ce milieu s’exprime sur des sols exempts de fertilisation et soumis à une fluctuation des niveaux d’eau. Les boisements observés (saulaies marécageuses, tremblaies, chênaies) sont déterminés par l’humidité du sol et correspondent aux différents stades évolutifs de la constitution de la chênaie acidiphile.
Parmi ces milieux, six sont considérés comme rares et menacés à l’échelle européenne et au niveau régional.
Faune, Flore, Géologie
Les Grandes Brandes de Lussac présentent une entité d’habitats permettant ainsi le développement d’une végétation d’une richesse exceptionnelle, caractéristique des landes du Sud-Ouest de l’Europe, dont 17 espèces considérées comme rares ou menacées : la Gentiane pneumonanthe, le Saule rampant, la Rossolis à feuilles intermédiaires, la Pilulaire à globules… Ces espèces, accompagnant le cortège des plantes caractéristiques des landes, contribuent à former des associations végétales très originales et d’un haut intérêt patrimonial.
Le site présente une faune remarquable avec plusieurs espèces d’oiseaux inféodées aux milieux de landes comme l’Engoulevent d’Europe (Caprimulgus europaeus), le Busard Saint-Martin (Circus cyaneus) ou la Fauvette Pitchou (Sylvia undata), qui trouvent, au sein de cette grande diversité de milieux, la quiétude et les habitats nécessaires à leur nidification. La présence de nombreuses mares (environ 500) et ornières sur le site offre de nombreuses zones de reproduction pour un peuplement diversifié d’amphibiens. Le site est également favorable à la reproduction des reptiles ainsi que pour plusieurs espèces rares de libellules, comme la Leuccorhine à gros thorax (Leuccorhinia pectoralis). Le site abrite le discret Campagnol amphibie et sert de territoire de chasse à 6 espèces de chauves-souris.
Gestion, sensibilisation
Objectifs de gestion
Les objectifs de gestion définis pour le site visent :
- L’amélioration ou le maintien du bon état écologique des complexes de landes.
- La préservation des stations botaniques remarquables et des espèces animales inféodées aux mares.
- L’information et la sensibilisation sur la préservation des landes.
La gestion vise principalement la restauration des habitats de landes vieillissant qui n’ont pas connu d’action d’entretien depuis septembre 1962, date du dernier grand incendie de la Forêt de Lussac. En l’absence d’entretien, les landes évoluent peu à peu vers la forêt, entrainant ainsi la perte des milieux de vie de bon nombre d’espèces rares et menacées.
Modalités de gestion
Sur le site des Grandes Brandes de Lussac, le Conservatoire met en œuvre différentes techniques de gestion des landes (coupe manuelle avec exportation, broyage mécanique avec ou sans exportation, brûlis dirigé) qui se rapprochent des usages ancestraux de ce milieu.
La mise en œuvre de telle ou telle technique est déterminée par les caractéristiques des unités de gestion : surface, topographie, présence de mares, degré d’évolution de la lande. L’utilisation de différentes techniques sur les différentes unités de végétation espacée dans le temps permet également la création d’une mosaïque structurelle de la lande liée aux réponses de la végétation.